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Après le 13 novembre 2015, on a plus que jamais besoin de bibliothèques
Malek Boutih, France Inter, lundi 16 novembre 2015, vers 8h55
« Je suis devenu républicain parce qu’il y avait une bibliothèque en bas de chez moi »

Joann Sfarr, France Inter, lundi 16 novembre 2015, vers 9h20
« Evidemment qu’il faut des bibliothèques, évidemment qu’il faut des profs de gym. Ils tombent dans l’islamiste quand il n’y a pas de bibliothèques ouverte dans le quartier. »

Rapport de Sylvie Robert sur l’extension des horaires d’ouverture des bibliothèques remis en novembre 2015 :
« la mission civique des bibliothèques n’est plus seulement une conséquence indirecte de son rôle éducatif ; il s’agit aujourd’hui d’une mission à part entière, rendue essentielle par le contexte d’affaiblissement de la parole publique, d’atténuation du lien social et d’incompréhension chez certains des valeurs républicaines[…]. À l’heure où les thèses sur le repli sur soi foisonnent et attirent, la bibliothèque demeure un formidable contre-exemple, un lieu d’ouverture aux Autres, un lieu d’ouverture au monde. La bibliothèque à ciel ouvert est un lieu de rassemblement cosmopolite à l’intérieur de la Cité, qui observe, décrit et dialogue avec le monde »

 

Les mêmes ont à nouveau frappé.

Ce ne sont plus des exécutions ciblées comme en janvier mais des attentats de masse, touchant des foules indistinctes même si le choix des lieux type forcément les victimes.

Parce que la plupart des assassins sont français, parce que la société peut, dans une moindre mesure qu’en janvier, se fissurer sur la réaction à une telle barbarie, parce que ce massacre peu, c’est ce que recherchent ses commanditaires, aviver des fractures dans la société, toutes les institutions, tous les groupes qui peuvent contribuer à conforter le vivre ensemble sont concernés.

Les bibliothèques en sont, qu’elles soient territoriales, scolaires ou universitaires, sans oublier la part que peuvent prendre la BPI et la BnF.

Après les événements de janvier dernier, j’avais notamment publié deux billets : Les bibliothèques sont Charlie, et après ?  le 17 janvier puis, avec Philippe Charrier, Après les attentats de janvier 2015 : Les bibliothèques, un outil pour construire et réparer le lien social le 12 février.

Les questions posées alors demeurent d’actualité.

Quelques journées d’étude ont eu lieu, dont le blog Bibliothèques maisons communes tente de rendre compte. Cet effort d’analyse et d’échange peut se poursuivre, mais aussi l’action.

Comme après janvier, deux axes peuvent être dégagés :

1°) Les Lumières, nous en avons besoin : la raison, la connaissance, le recul, les cultures de toutes sortes. C’est ce qu’exprime, même si c’est par un raccourci excessif, Joann Sfar.

2°) Le vivre ensemble : les bibliothèques, lieu d’accueil de tous, peuvent y contribuer.

Le dense réseau des bibliothèques, qui soufre malheureusement de lacune qu’un rapport de ‘inspection général des bibliothèques en cours d’élaboration devrait permettre de mieux identifier, constitue un outil irremplaçable pour con tribuer à ces deux causes complémentaires.

J’ajouterai un troisième axe, celui de la communication : les bibliothèques doivent se rendre davantage visibles dans l’esprit et le débat publics sur ces terrains. C’est aux bibliothécaires de poursuivre cet effort, mais à d’autres aussi, comme en témoignent Malek Boutih, Joann Sfar et Sylvie Robert.

Et maintenant qu’est-ce qu’on fait ? On continue, plus que jamais.

 

[Ce texte est aussi publié sur le blog http://lahary.wordpress.com)

Commentaires sur: "Après le 13 novembre 2015, on a plus que jamais besoin de bibliothèques" (3)

  1. Philippe Charrier a dit:

    bonjour,
    j’adhère bien sûr totalement à ce que rappelle Dominique (moins au raccourci de J. Sfarr, trop raccourci et, dans le contexte actuel, il me semble stigmatisant).
    Ces attentats montrent que la question de la liberté d’expression et de Charlie était bien une partie du problème en janvier, mais seulement une partie. C’est plus que cela qui est visé.
    Et les réactions, du public, comme des agents, sont très différentes de janvier. Il n’y a plus de sujet particulier, de point d’accroche – Charlie, liberté d’expression, antisémitisme… – qui nous avaient permis de d’exprimer notre combativité. Tout le monde est concerné.
    Samedi, nous avons ouvert… j’allais dire « bien sûr ». Comme, je pense, la majorité des bibliothèques publiques.
    Avec un calme et une constance des collègues qui m’ont vraiment frappé. Sur plus de cent agents concernés, je n’ai entendu parler que de deux « hésitations » qui méritent à peine d’être mentionnées car les agents concernés ont finalement travaillé normalement.
    Au nom de la compassion, un lecteur sur Fbk nous reprochait d’ouvrir… réactions unanimes des autres lecteurs de Fbk pour lui expliquer qu’il fallait ouvrir et pourquoi.
    Par rapport à janvier, le choc est plus intime et, si je ne sais pas si l’on est entré en guerre, à voir cette belle certitude partagée – « ouvrons » – , je pense que nous sommes bien entrés en résistance. Et que cela demande se se recentrer car nous ne sommes pas face à quelque chose qui s’effacera demain.
    Bien à vous
    phc

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  2. Bonjour,

    A Marseille aussi nous avons ouvert et constaté une affluence normale ( près de 6000 entrées à l’ Alcazar ) avec quelques collègues inquiets.
    L’ambiance n’est en effet pas du tout la même qu’en janvier, le public ne s’est pas spontanément exprimé sinon pour nous remercier d’être ouverts.

    Comme pour vous, les propos entendus sur France Inter lundi matin ont constitué un réconfort bienvenu mais je pense que nous aurions besoin d’un grand élan, quelque chose comme un état d’urgence des bibliothèques, avec une coordination nationale soutenue par nos tutelles, qui nous aide à structurer une réponse forte, claire et lisible. Une réflexion en profondeur sur tout ce qui nous meut un peu plus depuis janvier, la laïcité, la citoyenneté, avec un plan d’actions réalistes mais exigeantes.
    Nous en avons peut-être aussi particulièrement besoin pour remobiliser certains qui peinent légitimement à trouver un sens à leur travail…mais il est difficile de mettre en exergue le « vivre ensemble » quand notre environnement professionnel rend bien compliqué le « travailler ensemble » .
    En outre, il y a certainement un gros effort de formation auprès des équipes pour que ce « chantier » ne reste pas dans un cercle restreint.

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  3. Bonjour,

    quelques articles en lien avec les bibliothèques comme maisons communes (ou pas)

    « Ce n’est pas de religion dont il s’agit, mais de désespoir. » Bernard Stiegler
    http://www.lemonde.fr/emploi/article/2015/11/19/bernard-stiegler-ce-n-est-qu-en-projetant-un-veritable-avenir-qu-on-pourra-combattre-daech_4813660_1698637.html

    « Les lieux publics n’ont jamais été aussi nécessaire » Marc Crépon
    http://www.liberation.fr/france/2015/11/18/les-lieux-publics-n-ont-jamais-ete-aussi-necessaires_1414481

    BBC News – Paris attacks turn spotlight on Saint Denis banlieue
    [Saint-Denis, pourtant non dépourvu de bibliothèques]
    « Around the Place de la Republique in central Paris, streets away from last Friday’s deadly attacks, all the talk is of solidarity. But in Saint Denis, it is different. »
    http://www.bbc.com/news/world-europe-34855612

    David

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